Art urbain : Désert
Publié le 20 Janvier 2008
Un cristal bleu posé sur un socle (trop) massif. Une boite-pyramide tronquée, de verre et d'acier, sur un cube de béton... et voila. Et voila à peu près tout ce que m'inspire cette oeuvre sculpture de l'artiste belge Jean Verame.
Inaugurée le 4 mars 2000 devant l'Hôtel de Ville de Meaux par la municipalité de Jean François Copé, ce que l'artiste qualifie lui même de "volume en vitrail éclairé de l'intérieur", ne me touche presque pas. Devait-on attendre autre chose de la seule œuvre plastique réalisée "sous" Jean François Copé ? "Meaux ville d'art et d'histoire", vous savez ce que j'en pense : paroles, paroles, paroles...
Je me suis posé quand même la question du peu d'intérêt que je trouvais à Désert (titre de cette sculpture). Une oeuvre abstraite anecdotique ? A la poésie limitée ? Un objet qui ressemble à une enseigne publicitaire lumineuse, mais la signification en moins ? Le peu de rapprochement qu'on peut trouver avec le vitrail historique qui trône dans le grand escalier de la mairie ? Ou bien avec les vitraux de la cathédrale de Meaux ?
L'impression peut-être que cette sculpture n'est pas à sa place ici. Une impression confortée en regardant un peu le travail de Jean Verame, dont l'essentiel de l'œuvre est d'intervenir sur le paysage. Un travail de Land Art (http://fr.wikipedia.org/wiki/Land_Art). Ce qui n'empêche pas non plus l'artiste de produire des œuvres d'atelier (sculptures, bronzes, peintures, livres...). La sculpture de Meaux est un peu entre les deux. Entre l'objet d'atelier et le travail monumental. La relation au paysage, au contexte, qu'implique la notion de Land Art, et donc le travail de Verame, me conforte dans l'idée que l'œuvre n'est pas à sa place, ici, devant la mairie. Le volume de l'ouvre paraît écrasé par un décor pompeux, rétréci, et disons le : laid ! Pompeux, parce que la façade de la mairie de Meaux l'est ! A l'étroit, au bout de la place de la mairie, au bord de la route. Et laid, parce que la place de la mairie (les quais aussi) en plus d'être mal foutue, mal aménagée, offre un décor parasité par tout un tas de choses qui vont des décorations de noël, aux mobiliers urbains, en passant par les voitures, stationnées ou non... Bref l'œuvre qui se voudrait contextuelle est pour le coup hors contexte !
Désert, c'est un paysage en lui même. Tout simplement parce qu'il représente un désert (ne cherchons pas plus loin). Un paysage marqué par une couleur, un bleu profond (qui rappelle les vitraux de Chartres ou les monochromes de Yves Klein). Bleu. Une couleur vibrante, qui normalement est touchante quand on la regarde. Et une couleur qui devrait faire percevoir l'objet, comme une boite magique, un objet presque spirituel, comme une bougie. Et devrait inviter au calme, à la méditation, à la rêverie. Et la non. Le pouvoir de "rayonnement" du bleu, du vitrail, est complètement éteint. Juste parce que là où il est, l'objet n'est pas à sa place. Parce que le paysage imaginaire qu'il représente n'est pas en résonnance avec le paysage réel dans lequel il se trouve. Au dessus de la Marne, sur un pont, sur un belvédère, ou quelque chose comme "un balcon sur la ville" (comme par exemple le parking du PLIR, devant la gare), la sculpture de Verame prendrait une autre signification. Dans un jardin, dans un espace intime, un cocon, ou il paraîtrait démesuré (plus grand), il aurait encore une autre signification. Au milieu d'un vaste parc, une prairie (un espace très grand), dans un cimetière, dans un intérieur (dans une église, dans un musée, dans un centre commercial pourquoi pas), à chaque fois une autre signification, mais surtout une résonance de l'oeuvre par rapport à un contexte, qui la ferait exister. Là en fait c'est comme si l'oeuvre n'existait pas. J'ai un peu l'idée qu'on a fait un geste artistique pour le geste, pour la forme... comme beaucoup de choses à Meaux d'ailleurs :-s
Je trouve vraiment dommage donc, que là où elle est, même si elle est beaucoup vue cette oeuvre (parce qu'elle est sur un lieu de passage important), Désert n'a pas une grande aura, pas de résonance, avec le lieux, avec la ville, avec les gens qui la regarde (si il y en a qui la regarde ! Le feu tricolore à côté doit être plus regardé ^^). Au final cette sculpture est plus "oubliable" que ne l'étais la fresque de la concession Ford, dans son genre.
J'ai le regret de ne pas voir assez d'art à Meaux. Dans les rues de Meaux. Dans l'espace public meldois. J'aime beaucoup de choses en art. J'aime le beau. J'aime aussi quand l'art fait réfléchir. Et à Meaux on pourrait avoir une démarche envers l'art. Ce n'est pas le cas et c'est regrettable, vraiment. Apres, aller jusqu'à ce que fait Chelles, c'est à dire se positionner comme ville d'avant garde de l'art contemporain... peut-être pas ^^. Et un article du Parisien dernièrement qui montrait une oeuvre installée dans un jardin public, sorte de panneau publicitaire totalement noir, monolithe monumental et diffusant des bruits de bord de mer... me laisse un peu dubitatif sur la démarche. :-? En même temps je me garderais de juger une oeuvre que je n'ai pas vu en vrai. L'art a toujours quelque chose de subversif de toute manière, à voir un des symboles de l'art contemporain, sur l'espace public : les Colonnes de Buren (Les Deux Plateaux de la cour du Palais Royal : http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Deux_Plateaux), œuvre qui est revenue sur l'avant de la scène dernièrement, avec les relents de scandales habituels. Enfin si j'en reviens à ce que je disais en début d'article, cette oeuvre plastique n'est pas subversive, et n'est pas belle dans le contexte ou elle est.
Enfin pour voir un peu plus du travail de l'artiste qui à réalisé ce vitrail contemporain, un lien vers le site de Jean Verame : http://www.verame.com . Et un clin d'oeil au titre de la sculpture, avec un clip vidéo d'une chanson d'Émilie Simon : Désert ! Enjoy ;-)