Musique Baroque (biographie de Sebastien de Brossard)

Publié le 14 Novembre 2008

Voici une biographie de Sebastien de Brossard (1655-1730), parue en mars 2007 sur le blog Jardin Baroque. Homme d'église, et de culture, il est "nommé grand chapelain, vicaire, maître de musique et des enfants de chœur de la cathédrale Saint Etienne de Meaux" en 1698. Contemporain de Bossuet, c'est à lui que revient la charge d'organiser ses obsèques.

Cette biographie est intéressante au vu qu'elle nous fait découvrir la musique de Brossard. Un registre de la musique baroque que l'on a pas l'habitude d'entendre. On peut même y écouter un extrait (que je vous repropose ici). C'est vraiment beau. C'est un morceau de culture (d'une époque : le 18eme siècle), pas assez connu, et de ce qui a été Meaux. Je vous laisse découvrir, ce long article sur Sebastien de Brossard, ici, et sur le blog Jardin Baroque. Bonne lecture.



ARCHIVES DE L'EST
(par jardinbaroque, Vendredi 23 Mars 2007)

"C'est un des plus savants musiciens que nous ayons eus, par la connaissance qu'il avait des principes et des règles de son art et par la justesse avec laquelle il en a parlé et il en a écrit." (Evrard Titon du Tillet).

La postérité est injuste. Elle l’est d’ailleurs avec tant de régularité que l’on se demande si elle ne le fait pas exprès. Car s’il est un musicien à qui tous les mélomanes amateurs de musique baroque devraient faire révérence, c’est bien Sébastien de Brossard. En effet, outre son réel talent de compositeur, son inlassable travail de collectionneur de manuscrits a permis à de nombreuses œuvres de ses contemporains d’être préservées et de parvenir jusqu’à nous. Mais, si l’on excepte le louable effort de réhabilitation mené par le Centre de musique baroque de Versailles lors des Journées qui ont été consacrées, en 1995, à cet oublié, force est de reconnaître qu’il n’est pas vraiment sorti des limbes où la méconnaissance l’a relégué.

Sébastien de Brossard naît à Dompierre, dans l’actuel département de l’Orne, où il est baptisé le 12 septembre 1655. Issu d’une vieille famille normande, il est placé chez les Jésuites à Caen pour y faire ses études, qu’il poursuit à l’université, en acquérant, en parallèle, ses premières connaissances musicales en autodidacte. Il est reçu prêtre en 1678 et se rend à Paris, où il mène une vie assez mondaine, qui lui permet de côtoyer, outre des musiciens tels le luthiste Jacques Gallot (dit le « Vieux Gallot », ?-c.1690), des mathématiciens et des philosophes. Il tente vainement d’obtenir un poste stable dans la capitale, qu’il quitte finalement en 1687 pour gagner Strasbourg, où il est nommé vicaire, puis maître de chapelle de la cathédrale. Parallèlement à son activité de compositeur d’église, il fonde dans cette cité fraîchement rattachée (1681) à la France, une Académie destinée à l’exécution de musique profane, et commence à rechercher et à collectionner assidûment livres et partitions. Il séjourne de nouveau à Paris en 1695 où il entre en contact avec le « cercle » des musiciens soucieux d’opérer la synthèse entre les manières compositionnelles française et italienne : François Couperin, Elisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729), ou encore Jean-Féry Rebel (1666-1747). En 1698, il brigue vainement le poste de maître de musique de la Sainte Chapelle, qui échoit à Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), mais il est nommé grand chapelain, vicaire, maître de musique et des enfants de chœur de la cathédrale Saint Etienne de Meaux. Ces lourdes charges ne l’empêchent pas de rédiger un Dictionnaire de musique, premier ouvrage du genre en France, publié à Paris en 1703. C’est à lui qu’échoit l’organisation de la cérémonie d’obsèques de Jacques-Bénigne Bossuet, le célèbre évêque surnommé « l’aigle de Meaux », mort le 12 avril 1704. En 1715, il abandonne sa charge qu’il transmet à un de ses élèves, puis, en 1724, il cède, contre une pension, sa collection à la bibliothèque du Roi. Brossard meurt à Meaux le 10 août 1730.

La musicologie retient surtout l’image d’un Brossard vigoureux défenseur et propagateur de la musique italienne en France. Il est d’ailleurs un des premiers musiciens à avoir composé des sonates pour violon(s) et basse continue, dans un esprit absolument ultramontain, même si leur forme conserve une concision et une pudeur dans l’expression typiquement française. Ce mélange des styles, parfaite illustration de ces Goûts réunis chers à son contemporain François Couperin, irrigue tout ce que l’on connaît, par le disque, de sa musique sacrée. D’Italie viennent le souci constant d’illustrer le mot par la musique, en soulignant, par exemple, certains mots-clés par des madrigalismes, ainsi que l’emploi de retards et de chromatismes destinés à accroître les effets dramatiques. L’héritage français est, lui, perceptible dans l’emploi de formes traditionnelles telles le petit et le grand motet, codifiées par Lully ou Du Mont. Notons aussi, pour finir, une légère influence allemande, qui se traduit par l’utilisation systématique du basson dans la basse continue.

On a donc ici affaire à un compositeur de transition, qui revivifie des formes devenues « classiques » en leur insufflant des nouveautés propres à en accroître les capacités d’expression. Une écoute plus précise révèle d’ailleurs un musicien que ses immenses connaissances théoriques ont rendu particulièrement sensible à la couleur orchestrale. Brossard connaît parfaitement les instruments qu’il utilise, et sait en exploiter toutes les possibilités techniques, selon l’ambiance sonore qu’il souhaite obtenir, comme le prouve le rôle qu’il confie au violon, tantôt éclatant, tantôt grave, ou la prédilection qu’il affiche pour le théorbe dont il apprécie le « moëlleux ». Mais, là encore, ce qui ne pourrait être qu’un élément anecdotique et décoratif est mis totalement au service d’une illustration extrêmement précise du texte et des affects qu’il véhicule. C’est ce qu’illustre l’extrait du Miserere donné ci-dessous, avec ses madrigalismes mettant en valeur « contribulatus » (brisé) et « humiliatum » (humble) dans une atmosphère de supplication parfaitement rendues par les cordes, qui s’animent et s’éclairent aux mots « Tunc acceptabis » dans une sorte de mouvement de danse exultant et confiant qui culmine avec le soulignement du mot « altare » (autel).

Collectionneur éclairé, compositeur émérite comme on vient de le voir, Sébastien de Brossard fait partie de ces oubliés dont la connaissance se révèle pourtant importante pour comprendre comment, au tournant du XVIIIe siècle, la musique française va, peu à peu, prendre un visage nouveau. Ses œuvres ne pâtissent nullement d’une éventuelle confrontation avec celles d’un Lalande ou d’un Couperin, pourtant bien mieux servis que lui par la mémoire des hommes, et il reste sans doute encore bien des trésors à découvrir dans ses archives de l’Est.




Pour découvrir Brossard :
En dehors des quelques enregistrements effectués en 1995 à l’occasion des Journées Sébastien de Brossard du Centre de Musique Baroque de Versailles, dont il faut saluer ici le courage et la ténacité quant à la redécouverte d’un pan largement méconnu du répertoire français du Grand Siècle, la discographie du compositeur est maigre.

GRANDS MOTETS. Solistes, Chœur de chambre Accentus, Ensemble baroque de Limoges – Christophe COIN, direction. 1CD Astrée/Auvidis E8607.

Le disque consacré aux trois grands motets de Brossard par Christophe Coin est remarquable. Les solistes sont rompus au répertoire baroque français, l’orchestre offre de belles couleurs (on a vu ci-dessus que c’est un élément essentiel dans ce répertoire), le chœur est très en place, la direction vive et précise. Voici sans doute la meilleure introduction possible à l’univers du compositeur, les œuvres présentées datant de périodes différentes : début et fin du séjour strasbourgeois (Miserere [1688/89] et Canticum Eucharistichum [1697]) et période meldoise (In convertendo [c.1705 ?]). Le seul réel reproche concerne la prononciation du latin « à la romaine » et non « à la française ».

Extrait proposé : Miserere mei, Deus (Psaume 50) : « Sacrificium Deo spiritus contribulatus ».

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LEçON DES MORTS. Véronique GENS, dessus, Ensemble Il Seminario Musicale – Gérard LESNE, haute-contre et direction. 1CD Virgin 724354527128.

Autre excellente contribution que les Leçons des morts (1696/97) enregistrées par l’ensemble Il Seminario Musicale, sous la direction de Gérard Lesne. On ne présente plus ce chanteur, qui a effectué un travail remarquable sur le répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles dans les années 1990, livrant, notamment, des Charpentier de référence. Ces textes chantés aux trois nocturnes des matines de l’office des défunts, très rarement mises en musique, sont d’une veine intime et effusive, et permettent à Brossard de déployer une très large palette expressive, parfaitement rendue par les interprètes. La Sonate en trio et le Dialogue (1698/1700) donnés en complément sont également très réussis. Seul regret : les quelques 25 minutes inutilisées du CD auraient sans doute permis d’inclure la deuxième Leçon des Morts.

CANTIQUES SACREZ. Solistes, Le Parlement de Musique – Martin GESTER, orgue, clavecin & direction. 1CD Opus 111 OPS 10-002.

En 1992, Martin Gester faisait œuvre de pionnier en livrant, à la tête de son valeureux Parlement de Musique et en première mondiale, une magnifique version des Cantiques sacrez, publiés en 1698. Ces petits motets, intimistes et expressifs, sont rendus avec beaucoup de finesse et d’intelligence par les interprètes, sous la direction d’un chef soucieux de faire ressortir tous les particularismes de la musique de Brossard. Une belle réussite.

PETITS MOTETS (+ Grigny : Hymnes). Isabelle DESROCHERS, soprano – Frédéric DESENCLOS, orgue. 1CD Astrée/Auvidis E 8636.

Quelques minimes réserves, enfin, quant à l’enregistrement, par Isabelle Desrochers et Frédéric Desenclos, de quatre des Petits motets publiés en 1695. Si l’ensemble est de bon niveau, la voix de la soprano est parfois quelque peu fragilisée par les exigences techniques du compositeur. Les Hymnes pour orgue de Nicolas de Grigny (1672-1703) donnés en complément sont, en revanche, parfaits.



Pour en savoir plus :
>
Fiche biographique de Sebastien de Brossard sur WIKIPEDIA
> Bibliographie sur Musicologie.org

Pour écouter quelques extraits de la musique de Sebastien de Brossard :
Voir sur le site AMAZON.FR ou FNACMUSIC.COM

Rédigé par F.B.

Publié dans #700 Culture

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M
Bonjour, Un concert des oeuvres de Sébastien de Brossard par le Centre de musique barque de Versailles sous la direction de Jean Duron sera donné dans le cadre du colloque MEAUX-PICRI qui aura lieu les 28-29 mars 2009 à Meaux. N.B. Notre site a été mis en ligne ce week-end : il sera plus complet d'ici quelques semaines.
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F
<br /> hazard et coincidences ^^ ... je suis tombé sur cette biographie en faisant une recherche d'image.<br /> <br /> Je suis ravi de savoir qu'un concert autour de brossard va se faire... et dans la cathédrale de Meaux, ça promet quelque chose de plus qu'intéressant ! En tout cas j'espere bien pouvoir y<br /> assister. Je ne connais rien a la musique baroque mais des extraits que j'ai pu écouter des oeuvres de brossard, je trouve ça vraiment très beau.<br /> <br /> <br /> J'allais parler de cette initiative "une cathédrale au coeur de la ville". Avec ce nouveau site je vais voir ce que je peux en dire. Mais déjà si vous souhaitez utiliser MEAUX<br /> (le blog) et Meaux (le FORUM) pour communiquer autour de ce projet, n'hésitez surtout pas ! C'est avec grand plaisir.<br /> <br /> En attendant j'ouvre un sujet dans le forum sur votre projet, et ajoute un lien sur blog.<br /> <br /> Pour la page consacré au concert sur les oeuvres de Sebastien de Brossard, je donne l'adresse ici  > http://www.meaux-picri.fr/prog/concerts.html<br /> <br /> <br />