A quoi sert... ?
Publié le 9 Septembre 2007
A quoi sert que la Marne publie les lettres de ses lecteurs ?
C'est la question que je me pose, après avoir lu le droit de réponse que la Marne fait paraître cette semaine dans ses pages (La Marne du mercredi 5 septembre 2007, p22), suite à la lettre ouverte d’un habitant, M. André Moukhine-Fortier, publiée dans le journal de la semaine dernière, et que j'avais reprise sur Meaux (le blog) : http://meaux.over-blog.net/article-12056771.html
Pour mémoire le "coup de gueule" de Monsieur Moukhine-Fortier, concernait l'abattage des tilleuls de l'allée de la Grenouillère. Il interpellait alors dans une lettre ouverte, dans un style exalté et un peu exagéré, la municipalité et les habitants sur la disparition d'un lieu qui le touche (et pas que lui je pense).
La tribune offerte par la Marne à cet habitant, autant que le sujet abordé (pas quelque chose de grave), me semblaient (et me semblent toujours) intéressants. Et c'est pour ça que j'ai décidé de le signaler sur Meaux (le blog).
Que la Marne cette semaine publie dans ses pages un droit de réponse est tout à fait normal. Mais à la lecture de l'article en question j'ai été quelque peu... surpris ! Surpris d'abord par les propos tenus, et puis par la forme même de l'article. Un article que j'ai trouvé si bizarrement tourné, que j'en suis même venu à me demander mais "qui parle ?"
L'article est fait comme ça : une lettre réponse type dans un encart, signée par Jean François Copé, et une réponse en forme d'article reprenant ce qui est dit dans la lettre du maire et qui veut s'adresser aux lecteurs en même temps qu'elle répond personnellement à Monsieur Moukhine-Fortier !
Autant le dire dés à présent, c'est cette partie de l'article qui me dérange. Ce qui y est dit, et la façon dont c'est dit. Et je vais expliquer pourquoi. Mais avant, ce que je me demande, c'est pourquoi la Marne ne s'est pas contentée de publier la lettre du maire, adressée aux habitants du quartier Frot / Clemenceau / Saint Faron ? Elle aurait largement suffit. Non, le journal a pensé certainement qu’il était bien de rajouter ce texte... non signé. C'est là que vous comprenez pourquoi je me suis demander « qui » s'exprimait dans ce droit de réponse : Est-ce la Marne ? Est-ce le journaliste qui a écrit cet article (ou plutôt juste recopié) ? Ou est-ce la voix de la Mairie qu'on entend, comme semble l'indiquer le début de l'article ? Ce doute me gène. J'ai déjà dit ici même et avant comment je percevais la Marne : un journal assez complaisant, au message lénifiant, sans aucun regard critique vis à vis des politiques municipales, se contentant de faire du fait divers rubrique chiens écrasés, etc. Mais alors ce type d'article va au delà de ça ! Là, la Marne, c'est la voix de la mairie de Meaux ! Il n'y a même plus « d'intermédiaire » (journaliste ou directeur de rédaction) entre le pouvoir local et la presse. Et je trouve cela très dérangeant. En même temps ça ne fait que confirmer une impression que j’avais déjà (et un avis partagé).
Explication de texte maintenant. Le propos de cet article accompagnant la lettre du maire, c’est le type même de réponse visant à décrédibiliser la critique faite, en prenant le lecteur à témoin, sans jamais s’adresser directement à l’auteur de la lettre (mais en parlant de lui à la troisième personne, en disant "cet habitant", "ce citoyen", "cette personne",...), et en démontant la critique sur des arguments qui semblent indiscutables. Et qui ne le sont pas !
Mais la manœuvre de dénigrement va plus loin, à la lecture de paragraphes comme celui-ci : "Et sans vouloir offenser personne, des connaissances très limitées en la matière suffisent amplement pour comprendre que ces arbres étaient en très mauvaise santé". Ou encore : "S'étant proclamé une fois de plus le porte parole de la population choquée et révoltée, cette personne (qui n'a jamais fait mystère de ses engagements politiques, ce qui est fort respectable) [formule plusieurs questions]"
Déjà s’excuser d’offenser quiconque c’est justement qu’on sait que les propos qu’on tient sont offensant. Mais le pire c’est d’avancer que parce qu’on ne partage pas les mêmes idées politiques, alors on n’a pas le droit à la parole, et que forcément on a tort ! On est considéré comme la voix de l’opposition et donc toute critique est prise comme une attaque ignoble. Au mieux on vous considère comme la mouche du coche. Et on vous écrase par une lettre réponse publiée par voie de presse. Sympathique !
Pourtant la critique était tout à fait juste. Qu’il s’agisse du manque d’information, de projet à venir sur ce lieu (vraiment inconstructible la Grenouillère ?) ou sur la disparition d’un morceau d’histoire locale. Qu’on le sache, avoir des idées politiques n’empêche absolument pas de s’émouvoir de voir un lieu auquel on est attaché et qui nous renvoit à des souvenirs, disparaître comme ça, sans réelle justification ! Il n’y avait pas urgence à abattre ces arbres, à cause d’un risque de chute qui « pourrait éventuellement » arriver (ce que dit la lettre !), ou à cause d’un projet de réaménagement de la zone en question. J’ai autant l’impression que cette décision d’abattre ces arbres a pris les services techniques de la mairie comme une envie de pisser. Et ce n’est pas la première fois.
Et puis malgré ce que nous dit la lettre de Monsieur Copé, couper un arbre n’est pas un sujet délicat. Couper ou planter un arbre ce n’est pas là le problème. Le problème c’est la façon dont on considère la ville, ses lieux, son patrimoine. Le problème c’est la façon dont on est capable de comprendre la ville dans toutes ses dimensions (historique, urbaine, fonctionnelle, vivante, poétique), et d’être capable aussi de la projeter. De s’y projeter. Avoir une vision. Et d’ailleurs je vous le demande : pensez vous que la municipalité actuelle a une vision d’avenir pour la ville ? Est-elle capable de se projeter dans le futur, dans une vision à long terme ?
Je passerais sur ces 350 à 400 arbres qui seraient replantés chaque année, contre 30 à 40 abattus… ces chiffres me paraissent complètement faux. Mais on s’en fout des chiffres. L’important ce n’est pas le nombre d’arbres qu’on va planter, de bancs, de terrains de foots, de passerelles ou de toilettes publics. C’est le LIEU où ils sont plantés ces arbres. En l’occurrence la Grenouillère ce n'est pas qu'un nombre donné de tilleuls, c’était une promenade, un ensemble végétal, une voûte que formait un feuillage, un chemin bucolique et hors du temps. C’est un lieu ! C’est une identité. On abat les arbres et on dénature cette identité. On détruit le lieu. Et déjà la proposition d’en garder certains et de replanter le reste me fait sourire : autant tout couper et tout replanter ! Ça me fait penser à la promenade des Trinitaires. Un exemple type de l’incapacité de la municipalité à penser la ville.
Quant à la capacité d’informer les habitants, cela reste le principal point de reproche que j'ai envers l’actuelle municipalité. Les habitants sont la plus part du temps ainsi mis devant le fait accompli. On oubli ce qui a été avant, on ne sait pas ce qui va se faire après, et cette vision extrêmement réduite est déstabilisante. La municipalité a le tort de ne pas faire assez d'information et de pédagogie sur ce qu'elle fait. Un travail qui demande un suivi, et pas seulement écrire une lettre aux habitant juste au moment ou on commence à faire (la lettre envoyée aux habitant du quartier de la Grenouillère à été envoyé dans la semaine même de la coupe apparemment)
Il ne s'agit pas de demander toujours leur avis aux gens. Mais si on ne leur demande pas, il faut expliquer ! C'est tout. Ce n’est pas la première fois que je le dis sur Meaux (le blog) et certainement pas la dernière fois.
Enfin… Si je me laissais aller, j’imaginerais bien que la Marne a délibérément ouvert une tribune à la critique uniquement pour la démolir. Faire un exemple pour décourager toutes velléités du genre à l’avenir. Mais je n’ose penser qu'un journal "libre" soit capable d’imaginer une telle manœuvre, pas plus que les services de la mairie de Meaux. ^ ^