Poésie...

Publié le 26 Mai 2006

Je viens de découvrir un texte d'un de nos grands poètes du 19e siècle, Gérard de Nerval. Anecdotique et drôle, le voyage que fait le poete vers une (plus qu'improbable) chasse à la loutre, a la particularité de se dérouler en partie à Meaux. Le poète y passe une nuit pour le moins "fantastique" ! Ne pouvant mettre en intégralité le texte sur ce blog, pour le respect de l'œuvre je met en lien ici le texte complet : Gérard de NervalNuits d'octobre ( http://cyber-bibliotheque-de-poesie.blogspot.com/2006/01/gerard-de-nerval-les-nuits-doctobre.html )... Découvrez ici la partie du texte concernant ce fameux voyage par Meaux. Enjoy ;-)
 


Les nuits d'octobre  
Gérard de Nerva
 

[...]

XVI. MEAUX

Voilà, voilà, celui qui vient de l'enfer !
Je m'appliquais ce vers en roulant le matin sur les rails du chemin de Strasbourg, - et je me flattais... car je n'avais pas encore pénétré jusqu'aux plus profondes souricières; je n'avais guère, au fond, rencontré que d'honnêtes travailleurs, des pauvres diables avinés, des malheureux sans asile... Là n'est pas encore le dernier abîme.
L'air frais du matin, l'aspect des vertes campagnes, les bords riants de la Marne, Pantin à droite, d'abord, le vrai Pantin, Chelles à gauche et plus tard Lagny, les longs rideaux de peupliers, les premiers coteaux abrités qui se dirigent vers la Champagne, tout cela me charmait et faisait rentrer le calme dans mes pensées.
Malheureusement, un gros nuage noir se dessinait au fond de l'horizon, et, quand je descendis à Meaux, il pleuvait à verse. Je me réfugiai dans un café, où je fus frappé par l'aspect d'une énorme affiche rouge conçue en ces termes:
« PAR PERMISSION DE M. LE MAIRE (de Meaux)
MERVEILLE SURPRENANTE
tout ce que la nature offre de plus bizarre :
UNE TRÈS JOLIE FEMME
ayant pour chevelure une belle
TOISON DE MÉRINOS
couleur marron.
« M. Montaldo, de passage en cette ville, a l'honneur d'exposer au public une rareté, un phénomène tellement extraordinaire, que Messieurs de la Faculté de médecine de Paris et de Montpellier n'ont pu encore le définir.

CE PHÉNOMÈNE

consiste en une jeune femme de dix-huit ans, native de Venise, qui, au lieu de chevelure, porte une magnifique toison en laine mérinos de Barbarie, couleur marron, d'une longueur d'environ cinquante-deux centimètres. Elle pousse comme les plantes, et on lui voit sur la tête des tiges qui supportent quatorze ou quinze branches.
« Deux de ces tiges s'élèvent sur son front et forment des cornes.
« Dans le cours de l'année, il tombe de sa toison, comme de celle des moutons qui ne sont pas tondus à temps, des fragments de laine.
« Cette personne est très avenante, ses yeux sont expressifs, elle a la peau très blanche; elle a excité dans les grandes villes l'admiration de ceux qui l'ont vue, et, dans son séjour à Londres, en 1846, S. M. la reine, à qui elle a été présentée, a témoigné sa surprise en disant que jamais la nature ne s'était montrée si bizarre.
« Les spectateurs pourront s'assurer de la vérité au tact de la laine, comme à l'élasticité, à l'odorat, etc., etc.
« Visible tous les jours jusqu'à dimanche 5 courant.
« Plusieurs morceaux d'opéra seront exécutés par un artiste distingué.
« Des danses de caractère, espagnoles et italiennes, par des artistes pensionnés.
« Prix d'entrée : 25 centimes. - Enfants et militaires : 10 centimes. »
A défaut d'autre spectacle, je voulus vérifier par moi-même les merveilles de cette affiche, et je ne sortis de la représentation qu'après minuit.
J'ose à peine analyser maintenant les sensations étranges du sommeil qui succéda à cette soirée. - Mon esprit, surexcité sans doute par les souvenirs de la nuit précédente, et un peu par l'aspect du pont des Arches, qu'il fallut traverser pour me rendre à l'hôtel, imagina le rêve suivant, dont le souvenir m'est fidèlement resté :
 
[...]


XIX. JE M'ÉVEILLE

Décidément, ce rêve est trop extravagant... même pour moi ! Il vaut mieux se réveiller tout-à-fait. - Ces petits drôles ! qui me démontaient la tête, - et qui se permettaient après de rajuster les morceaux du crâne avec de grands coups de leurs marteaux ! Tiens, un coq qui chante...! Je suis donc à la campagne ! C'est peut-être le coq de Lucien : - Oh ! souvenirs classiques, que vous êtes loin de moi !
Cinq heures sonnent, - où suis-je? Ce n'est pas là ma chambre... Ah ! Je m'en souviens, - je me suis endormi hier à la Syrène, tenue par le Vallois, - dans la bonne ville de Meaux (Meaux-en-Brie, Seine-et-Marne).
Et j'ai négligé d'aller présenter mes hommages à monsieur et à mame le maire !...C'est la faute de Bilboquet (Faisant sa toilette :)
Air des Prétendus.
Allons présenter - hum! - présenter notre hommage
A la fille de la maison !... (Bis.)
Oui, j'en conviens, elle a raison,
Oui, oui, la friponne a raison !
Allons présenter, etc.
Tiens, le mal de tête s'en va... Oui, mais la voiture est partie. Restons, et tirons-nous de cet affreux mélange de comédie, de rêve et de réalité.
Pascal a dit:
« Les hommes sont fous, si nécessairement fous, que ce serait être fou par une autre sorte que de n'être pas fou. »
La Rochefoucauld a ajouté:
« C'est une grande folie de vouloir être sage tout seul. »
Ces maximes sont consolantes.


XX. RÉFLEXIONS

Recomposons nos souvenirs.
Je suis majeur et vacciné; mes qualités physiques importent peu pour le moment. Ma position sociale est supérieure à celle du saltimbanque d'hier au soir; et décidément, sa Vénitienne n'aura pas ma main.
Un sentiment de soif me travaille.
Retourner au café de Mars à cette heure, ce serait vouloir marcher sur les fusées d'un feu d'artifice éteint.
D'ailleurs, personne n'y peut être levé encore. - Allons errer sur les bords de la Marne et le long de ces terribles moulins à eau dont le souvenir a troublé mon sommeil.
Ces moulins, écaillés d'ardoises, si sombres et si bruyants au cher de lune, doivent être pleins de charmes aux rayons du soleil levant.
Je viens de réveiller les garçons du Café du Commerce. Une légion de chats s'échappe de la grande salle de billard, et va se jouer sur la terrasse parmi les thuyas, les orangers et les balsamines roses et blanches. Les voilà qui grimpent comme des singes le long des berceaux de treillage revêtus de lierre.
O nature, je te salue !
Et, quoique ami des chats, je caresse aussi ce chien à longs poils gris qui s'étire péniblement. Il n'est pas muselé. - N'importe; la chasse est ouverte.
Qu'il est doux pour un cœur sensible de voir lever l'aurore sur la Marne, à quarante kilomètres de Paris !
Là-bas, sur le même bord, au delà des moulins, est un autre café non moins pittoresque, qui s'intitule Café de l'Hôtel-de-Ville (sous-préfecture). Le maire de Meaux, qui habite tout près, doit, en se levant, y reposer ses yeux sur les allées d'ormeaux et sur les berceaux d'un vert glauque qui garnissent la terrasse. On admire là une statue en terre cuite de la Camargo, grandeur naturelle, dont il faut regretter les bras cassés. Ses jambes sont effilées comme celles de l'Espagnole d'hier et des Espagnoles de l'Opéra.
Elle préside à un jeu de boules.
J'ai demandé de l'encre au garçon. Quant au café, il n'est pas encore fait. Les tables sont couvertes de tabourets; j'en dérange deux; et je me recueille en prenant possession d'un petit chat blanc qui a les yeux verts.
On commence à passer sur le pont; j'y compte huit arches. La Marne est marneuse naturellement; mais elle revêt maintenant des teintes plombées que rident parfois les courants qui sortent des moulins, ou plus loin les jeux folâtres des hirondelles.
Est-ce qu'il pleuvra ce soir ?
Quelquefois, un poisson fait un soubresaut qui ressemble, ma foi, à la cachucha éperdue de cette demoiselle bronzée que je n'oserais qualifier de dame sans plus d'informations.
Il y a en face de moi, sur l'autre bord, des sorbiers à grains de corail du plus bel effet : « sorbier des oiseaux, - aviaria. » - J'ai appris cela quand je me destinais à la position de bachelier dans l'Université de Paris.

[...]

Je vous laisse découvrir la suite à l'adresse suivante : http://cyber-bibliotheque-de-poesie.blogspot.com/2006/01/gerard-de-nerval-les-nuits-doctobre.html

;-)

Rédigé par F.B.

Publié dans #800 Littérature

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L
Oui et dois-je rappelé quelle fut la fin de monsieur Gérard? La Seine-et-Marne semble avoir des effets secondaires plutôt néfastes sur ceux qui y séjournent ...lol.... Bah on n'est pas pendu... OUPS !... "R"ENDU... mdr  
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B
Goûtant la Seine et Marne, Gérard De Nerval a séjourné à Othis (à coté de Dammartin En Goële), nul n'est parfait... On comprend mieux ces vers de "El Desdichado" : "Je suis le ténébreux le veuf, l'inconsolé... On le serait à moins.
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